L'architecture et la danse peuvent-elles être imbriquées l'une dans l'autre ? Et si parler de l'une revenait à parler de l'autre, mais différemment ? En réunissant ces deux disciplines qui traitent involontairement des questions d'espace et de mouvement, ce symposium, dont les conférences plénières seront données par le Prof. Dr. André Lepecki (NYU Tisch) et l'architecte Dr. Salima Naji, souhaite spéculer sur la relation altérée de la mobilité et de la terre depuis la modernité. En effet, il semble que la modernité, dans sa quête de globalisation, ait rompu les liens entre le mouvement et la terre afin de contrôler cette dernière (y compris les êtres qui ne souscrivent pas au credo de la modernité). Serait-il possible de retracer le rôle et l'impact des deux disciplines dans ce processus, en abordant l'architecture et la danse comme des écologies qui « concernent les interrelations entre des êtres hétérogènes en tant que tels, sans intérêt commun transcendant, [...] ou sans compréhension mutuelle » (Stengers 91) ?
Ces écologies semblent s'être articulées autour de pratiques artistiques. Dans les années 1960 et 1970 déjà, des artistes telles que Gordon Matta-Clark et Trisha Brown se sont intéressé.e.s à la relation entre le mouvement et l'espace, créant des œuvres touchant à la fois à l'architecture et à la danse. Iels ont ancré leur travail dans le monde dans lequel ils se déplaçaient - principalement dans des espaces non institutionnalisés - ou ont traité le "site" comme étant aussi le "contenu" de l'œuvre (Kwon 26). Dans les pratiques architecturales, des écologies similaires peuvent être tracées entre l'espace et le mouvement. Les travaux de Juhani Pallasmaa et de Lina Ghotmeh, par exemple, affirment l’habitant.
Comment, dès lors, penser ces architectures-danses-écologies sans rompre artificiellement les relations qui les constituent ? Comment préserver la capacité des êtres hétérogènes qui s'engagent dans ces relations à demander de l'attention et, par conséquent, à insister sur leur « consistance ontologique » (Morizot 17) ? En analysant la danse in situ uniquement par rapport à des espaces alternatifs, par exemple, l'espace de la performance est réduit à un arrière-plan plat, perdant ainsi de son sens et de son importance. Ou encore, les photos d'architecture, les plans, les rendus et les croquis qui représentent à peine la vie à l'intérieur de l'environnement construit, ou ne le font que pour la compréhensibilité de l’échelle du bâti, relègue le mouvement et le contexte de l’espace à une position subordonnée.
Ce symposium vise à rassembler des doctorant.e.s, des architectes, des artistes, des chorégraphes, des danseurs, des théoriciens de l'architecture, des théoriciens de la danse et des philosophes pour spéculer sur les possibilités d'écologies de l'architecture et de la danse affirmant leur pleine consistance ontologique. Comment ces écologies apparaissent-elles dans les pratiques contemporaines de l'architecture et de la danse ? Que faudrait-il pour considérer les pratiques de danse et d'architecture en même temps, mais différemment ? La danse in situ peut-elle être étendue au-delà des espaces alternatifs ? Comment l'architecture est-elle intégrée dans le mouvement du monde à partir duquel elle est construite ? Les pratiques architecturales peuvent-elles également habiter les pratiques de danse ? Que signifie pour l'architecture le fait d'être construite avec des matériaux qui sont, en fait, vivants ? Les pratiques de danse peuvent-elles faire partie des pratiques architecturales ? Qu'est-ce que cela signifie pour les spectacles de danse lorsque les architectures exigent de l'attention pour leurs propres spécificités ? Pouvons-nous continuer à ne considérer qu'un seul site du spectacle de danse sans tenir compte de ses autres itérations ? La danse peut-elle devenir matérielle et l'architecture éphémère ?
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